Souffler n'est pas jouer, mais se taire c'est cautionner.

Publié le par Lucien Lecheval

Les Lanceurs d'alerte.

La France adopte enfin une législation protectrice.

C'est une grande avancée, passée relativement inaperçue. Depuis la loi contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière du 6 décembre 2013, les « lanceurs d'alerte », qui jouent un rôle central en matière de signalement et de prévention de la corruption, bénéficient d'une « protection générale » en France.

Ce n'était pas le cas jusqu'à présent, et la France était régulièrement montrée du doigt par les ONG et les magistrats anticorruption, au milieu de nombreux autres pays dans le monde, pour l'insuffisance de son dispositif législatif de protection des salariés lanceurs d'alerte, exposés au risque d'être licenciés ou harcelés.

Dans un rapport sur « L'alerte éthique » paru au mois de novembre 2013 – une étude comparative des législations des vingt-huit pays membres de l'Union européenne –, Transparency International avait encouragé Paris à compléter sa loi du 13 novembre 2007. Celle-ci ne protégeait que les lanceurs d'alerte du secteur privé. La France était le seul pays doté d'un droit d'alerte à ne pas assurer la protection des agents publics.

L'affaire Cahuzac, qui a secoué la classe politique et démontré l'importance du signalement des manquements à la loi, dans le public comme dans le privé, aura convaincu le législateur d'aller au-delà.

Nicole Marie Meyer, experte de l'alerte éthique auprès de Transparency International, salue un dispositif bienvenu : « Cette solide protection garantie par la loi constitue une vraie avancée démocratique, estime-t-elle. C'est le seul moyen de garantir aux salariés qui ont le courage de signaler des affaires de corruption ou des scandales sanitaires qu'ils ne seront pas sanctionnés ou harcelés pour cela. »

RÉVÉLER DES ACTES ILLICITES OU DANGEREUX

Désormais, stipule la loi, les individus qui témoigneront de faits constitutifs d'un crime ou d'un délit seront donc protégés, dans le secteur privé comme dans le secteur public. « L'alerte éthique », reconnaît ainsi le législateur, permet de révélerdes actes illicites ou dangereux pour autrui, touchant à l'intérêt général.

Dans l'UE aujourd'hui, hormis la France depuis peu, seuls quatre pays ont adopté, et mis en œuvre, une législation complète en matière de protection des lanceurs d'alerte. Il s'agit du Royaume-Uni, du Luxembourg, de la Roumanie et de laSlovénie.

En France, le phénomène de l'alerte éthique est assez récent. Sans doute pour des raisons historiques liées au régime de Vichy, estiment les sociologues. La confusion est souvent entretenue entre délation et signalement de faits contraires à la loi. La prise de conscience dans le pays daterait, à en croire les experts, des années 1990 quand son équivalent américain, le « whistleblowing », remonte, lui, aux années 1970.

L'un des premiers lanceurs d'alerte français fut André Cicolella, ce chimiste spécialisé dans l'évaluation des risques sanitaires, qui fut licencié de l'Institut national de recherche et de sécurité en 1994, pour avoir dénoncé les dangers des éthers de glycol.

Article Le Monde 6 Février 2014, par Anne Michel.

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